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Beaucoup d'Algériens attendent l'entrée en vigueur d'une décision d'augmentation "très significative" de l’allocation touristique, un geste qui pourrait mettre fin au commerce illégal de devises. Le taux de change de l'euro sur le marché noir du square Port-Saïd a récemment atteint un niveau record, atteignant 26 000 dinars pour 100 euros.
Entre ceux qui accueillent cette décision et ceux qui attendent de connaître le montant de la allocation, "El Khabar" a recueilli les avis d'experts en économie et en sociologie sur les impacts et la valeur potentielle de cette allocation, approuvée par le président Abdelmadjid Tebboune lors d'une réunion du Conseil des ministres le 6 octobre.
Une large part de la population espère que la révision de l’allocation touristique sera faite de manière à "préserver la dignité", surtout en comparaison avec les pays voisins comme la Tunisie, qui attribue aux voyageurs une allocation de plus de 6 000 dinars tunisiens par an, soit plus de 1 700 euros. En comparaison, les exigences des pays accueillant des touristes, notamment en Europe, comme la France, imposent une assurance de 120 euros par jour si aucun hébergement n'est réservé, ce qui dépasse largement l’allocation actuelle de 100 euros pour les voyageurs algériens, équivalant à environ 15 000 dinars.
Entre 500 et 1 000 euros
L'économiste Nabil Djemaa a déclaré que la décision du Conseil des ministres "répond à une demande ancienne, car l’allocation touristique en Algérie est la plus faible comparée à celle des pays voisins, ne dépassant pas 100 euros, un montant qui ne couvre même pas le coût d'une nuit d'hôtel à l'étranger".
Concernant ses prévisions pour une allocation touristique adéquate, il estime qu'elle pourrait se situer entre 500 et 1 000 euros, proposant "de ne pas fixer une valeur unique pour tous les demandeurs, mais d'utiliser le salaire ou le revenu comme critère de détermination", ajoutant que "cela permettrait d'assurer une certaine équité dans la distribution de cette allocation et de prévenir son exploitation à des fins commerciales, tout en évitant le risque de drainage des réserves publiques".
Il a également souligné l'impact de cette décision sur le marché noir des devises, estimant qu'une offre significative via les banques pourrait décourager les citoyens de recourir aux "marchands du coin". Djemaa a précisé que "le taux de change sur le marché noir est étroitement lié à l'offre et à la demande, ce qui devrait réduire l'écart entre le taux officiel et celui du marché noir".
Valeur de l’allocation liée aux réserves de change
Pour sa part, le professeur d'économie Slimane Nacer a souligné que la forte demande en devises sur le marché parallèle répond aux besoins touristiques face à la faiblesse de l’allocation actuelle. Selon lui, l'augmentation de cette allocation devrait atténuer la demande sur le marché noir, "mais cela dépend du niveau d'augmentation que le Conseil des ministres qualifie de significatif".
Il a ajouté que la valeur sera déterminée "en fonction d'un minimum qui préserve la dignité des citoyens tout en n'affectant pas les réserves de change de l'État, car la source de devises provient des banques à un prix bancaire, en l'absence actuellement de bureaux de change".
Le professeur Slimane Nacer a ajouté : "En plus de la valeur financière de l’allocation, la stabilité du marché des devises dépend également du moment de l'entrée en vigueur de la décision, et il est fort probable qu'elle soit mise en œuvre au début de l'année 2025".
Selon le professeur Nacer, "la révision et la régulation du processus d'importation de véhicules de moins de trois ans sont des facteurs essentiels pour réduire la demande sur le marché noir, car les fonds utilisés en devises proviennent en grande partie du marché parallèle".
Il estime également que l'augmentation de l’allocation prévue "ne résoudra pas le problème des prix sur le marché noir, mais contribuera à le freiner à un niveau acceptable ".
1500 euros : le minimum pour préserver la dignité des Algériens
Zaki Hariz, président de la fédération algérienne des consommateurs, a salué la décision présidentielle d'augmenter l’allocation touristique, la qualifiant de "bienvenue" au vu des demandes persistantes de plusieurs années pour assurer une allocation décente qui couvre les frais de voyage
Hariz a noté que de nombreux Algériens avaient préféré renoncer à lallocation touristique, car elle ne répondait pas aux besoins, alors qu'une nuit d'hôtel à l'étranger coûte 80 euros. Il a suggéré que l’allocation ne devrait pas être inférieure à 1 500 euros, proposant même de l'augmenter à 3 000 euros.
Il a également proposé de ne pas établir une valeur uniforme, mais d'adapter l’allocation en fonction des revenus individuels pour assurer l'équité sociale et prendre en compte les différences entre les demandeurs, tout en prenant des mesures pour éviter les abus. Hariz a également appelé à une plus grande ouverture dans le traitement des demandes de visa pour les touristes étrangers, ainsi qu'à des prix abordables pour les vols, et à toutes les activités susceptibles d'apporter des devises au pays, afin de rétablir un équilibre sur le marché et éviter d'endommager les réserves publiques, qui sont actuellement la seule source de l’allocation touristique.