38serv
Lors d'une rencontre organisée aujourd'hui à la bibliothèque Sophia de la ville d'Oran, l'écrivain Lazhari Labter a partagé les détails de son dernier roman intitulé "Anna Gréki, ou l'amour avec la rage au cœur", consacré à la figure emblématique de la résistante et poétesse algérienne Anna Collette Grégoire, mieux connue sous son nom de guerre "Anna Gréki".
Anna Gréki, née en 1931 à Batna, a grandi dans la région de Menaa (près d'Aris) et a étudié à Skikda. Issue d'une famille d'origine européenne, elle est une figure importante de la guerre de libération algérienne. Le roman de Lazhari met en lumière son parcours exceptionnel, notamment sa passion pour la poésie, qu'elle a cultivée dans les geôles françaises, en particulier à la prison de Barberousse (Alger), où elle a écrit ses premiers poèmes pour surmonter les douleurs infligées par la torture des parachutistes français.
Le roman raconte comment elle a utilisé la poésie comme un moyen de libération, d'abord en écrivant dans sa cellule, puis en faisant sortir clandestinement ses poèmes, qui ont été publiés en 1960 en France grâce à une camarade française de prison. Ces poèmes ont été réédités plus tard par la militante Denise Barrat.
Lazhari a également partagé des éléments de ses recherches sur la vie d’Anna Gréki, notamment ses années d'études en France de 1949 à 1954 et son engagement dans la lutte anticoloniale.
Le roman décrit sa relation avec le militant communiste Ahmed Inal, martyrisé par les forces coloniales après avoir refusé de livrer des informations sur la résistance.
Après avoir été arrêtée pour la première fois à Alger, elle fut envoyée à Annaba où elle travailla comme enseignante avant d’être capturée à la gare d'Alger, torturée à la villa "Sesini" et incarcérée à la prison de Barberousse, avant d’être transférée au centre de tri de Beni Messous. Après 18 mois de détention, elle fut expulsée vers la France, où elle se mariera et vivra.
Après l’indépendance de l'Algérie, Ana Gréki rentra à Alger par la frontière tunisienne. Elle publia son premier recueil de poésie, "Algérie, capitale Alger", composé de 30 poèmes évoquant ses années de captivité, son enfance à Menaa, ainsi que son compagnon de plume Ahmed Inal.
Elle travailla aussi à la Révolution africaine, au ministère du Tourisme, et en tant que professeure de français au lycée "Emir Abdelkader". Elle fut également membre de l'Union des écrivains algériens, aux côtés de figures littéraires comme Kateb Yacine et Mammeri.
L'écrivain a évoqué la douleur qu’a ressentie Anna Gréki face au code sur la nationalité, qui lui refusa la nationalité algérienne en raison de ses origines européennes, malgré sa naissance à Batna et son engagement dans la révolution.
Anna Gréki est décédée à l’hôpital Mustapha Pacha, des suites d’une maladie rare survenue lors d'un accouchement. Dans son roman, Lazhari Labter fait une allusion poignante à ce moment de sa vie en donnant le prénom "Houria" à l’enfant qu'elle portait.
Cette naissance symbolique représente, selon lui, la continuité de l’héritage de la résistante.
Enfin, l'écrivain a exprimé son souhait de voir l'héritage d'Anna Gréki honoré en attribuant son nom à une rue, une place publique ou une institution dans les villes où elle a vécu, telles que Batna, Menaa, Annaba, Skikda, et Alger.